Les œuvres de l'exposition

Course de chevaux, dite Le derby de 1821 à Epsom

Théodore Géricault France Huile sur toile Musée du Louvre
1821
92 cm x 1,23 m


 

Saisis dans un « galop volant », les chevaux de course, membres antérieurs et postérieurs tendus à l’horizontale, paraissent en lévitation entre ciel et terre. Le sujet du tableau de Géricault semble être le mouvement fugace. Si ce galop est physiquement impossible, comme la photographie le montrera quelques décennies plus tard, il permet à l’artiste de peindre la sensation d’un mouvement rapide, saisi dans l’instantané, synthèse entre deux moments distincts de la course de l’animal.

 

Révélé par l’exposition populaire de son Radeau de la Méduse en 1820 à Londres, Géricault passe un long séjour en Angleterre en 1821. Découvrant la lithographie et la peinture contemporaine anglaise dont il admire les libertés dans des genres encore considérés comme mineurs par le Salon parisien, il y peint notamment ce tableau pour le marchand de chevaux Adam Elmore qui le logeait lors de ses séjours dans la capitale anglaise. On a débattu pour savoir s’il s’agissait d’un véritable portrait de chevaux citant un évènement précis. Le titre traditionnel «  le Derby d’Epsom » attesté dans le catalogue de vente de 1866 permettrait de reconnaître le vainqueur de cette course en 1821, Gustavus, le cheval de robe grise en troisième position. On a objecté que les couleurs des jockeys ne correspondaient pas à cette épreuve et préféré y voir une course imaginaire.

Peu importe car Géricault dépasse le sujet anecdotique du tableau. Observant des chevaux anglais pur sang, il les allonge au point de leur donner une silhouette irréelle et ligneuse au service de la composition. Étirés au centre du tableau sur la ligne d’horizon, les chevaux, comme immobilisés selon un procédé cinématographique de ralenti, flottent entre un ciel aux nuages menaçant et un gazon marqué par les ombres portées. L’orage menace et la tension est à son comble : les chevaux semblent fuir les nuages les plus noirs à droite du tableau, point de départ marqué par l’horizontalité de la hampe blanche, pour se diriger vers notre gauche et la trouée sur la mer.

L’alternance des gestes des jockeys, bras droit levé ou tenant des deux mains leur rênes, contribue à suspendre et à décomposer cette course fugace arrêtée le temps que dure une rapide éclaircie qui troue le ciel au centre du tableau. Ce n’est donc pas à un défaut d’observation - bien étonnant chez Géricault cavalier émérite - qu’il faut attribuer le choix de ces effets plastiques. À la suite de l’œuvre du peintre animalier anglais Georges Stubbs (1724-1806), les peintres du début du 19e siècle disposaient en effet d’un répertoire varié pour représenter les pas des chevaux : « canter » ou galop d’essai, cabré fléchi, cabré allongé ou « galop volant » une convention que Stubbs utilisa lui-même en 1794 et popularisée dans les gravures des journaux sportifs. Puisant à ces différentes sources, Géricault renouvelle ici la peinture de paysage et la peinture de genre.

 

© RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Philippe Fuzeau

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Cheval au galop