Les œuvres de l'exposition

Saint Sébastien

Claude Dejoux France Marbre Musée du Louvre
1779, morceau de réception à l’Académie
1,05 m x 48 cm


 

Dressé devant l’arbre du supplice, Saint Sébastien expire. Son corps presque nu, s’affaisse. Seul le bras gauche est encore tendu, attaché par une corde. La tête aux yeux clos et le torse basculent vers sa droite. Le bras droit, mis en scène par le drapé, pend sans vie. Les jambes en revanche sont encore raidies dans leur position d’origine. Le pied droit posé sur le casque évoque l’histoire du saint, centurion romain martyrisé à Rome sous l’empereur Dioclétien au 3e siècle après J.-C.

L’oeuve est une magnifique démonstration virtuose se jouant  des règles de composition que doit maîtriser un sculpteur. Ce corps masculin nu suspendu renouvelle en effet les principes de la jambe portante et de la jambe libre, du chiasme entre les membres supérieurs et inférieurs, tendus ou relâchés. Les effets utilisés au service de l’expressivité – drapé refouillé servant de rideau au corps nu, composition serpentiforme  exprimant l’affaissement - attestent le savoir-faire de Dejoux. 

 

Formé à l’académie de Marseille où il fut influencé par l’œuvre de Puget, Claude Dejoux rejoignit à Paris l’atelier de Pigalle et de Guillaume II Coustou. Agréé en 1778 par l’Académie, ce Saint Sébastien constitue son morceau de réception exposé au Louvre au Salon de 1779. Citant le célèbre Saint Sébastien de Puget à Gênes (voir la réduction du Petit Palais), Dejoux inscrit son oeuvre dans le sillage du double héritage de la sculpture antique et du classicisme français. Le motif évoque en effet également le célèbre Marsyas supplicié antique, le Faune Barberini par la jambe pliée en appui et le relâchement général ou encore le groupe du Gaulois Ludovisi se suicidant dont la femme morte au bras pendant et à la tête affaissée était étudiée et admirée par les Académiciens. Le moment choisi est d’ailleurs remarquable. Loin des corps glorieux transpercés peints à la Renaissance par Mantegna ou Pérugin, ou de la scène choisie par les peintres caravagesques d’un saint soigné par Sainte Irène (Georges de la Tour; Trophime Bigot, Jusepe de Ribera ou Hendrick ter Bruggen), le Sébastien de Dejoux à la suite de celui des grands maîtres baroques comme Le Bernin (Madrid, musée Thyssen) est mourant, prétexte à l’expression de la douleur.

 

 

© Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Pierre Philibert